Évolution de la diversité consommée sur le marché de la musique enregistrée, 2007-2016
En France, les ventes de CD ont commencé à chuter en 2002 après… s’est poursuivi tout au long de la dernière décennie (graphique 1) : en dix ans, le volume de CD vendus a été divisé par deux et demi et le chiffre d’affaires a perdu 60 % de sa valeur. Le marché du téléchargement pour sa part a connu une forte progression jusqu’aux années 2012-2013, suivie d’un recul brutal qui s’est traduit par une diminution de moitié des quantités vendues et par une perte de plus de 40 % du chiffre d’affaires en quatre ans.
La dernière décennie comprend par conséquent deux phases distinctes. Les cinq premières années sont marquées par une forte baisse du marché physique au profit du téléchargement en lien avec le succès de l’iPod et le développement d’une offre légale sur les sites des magasins spécialisés (Fnac, Virgin, etc.) ; puis, une seconde phase s’ouvre avec la montée en puissance des plateformes de diffusion en flux (streaming), dont la croissance en termes d’écoutes a été rapidement exponentielle, atteignant en quelques années un volume de plusieurs milliards de titres écoutés. Au cours de cette seconde phase, le marché du téléchargement a fortement décliné tandis que le rythme de la baisse des ventes physiques s’est ralenti, en partie grâce au renouveau du vinyle.
L’ampleur de cette mutation en deux temps des modes d’accès à la musique rend difficile une appréciation générale de l’évolution de la diversité consommée au cours de la dernière décennie car le passage du monde physique au monde numérique s’est traduit par plusieurs évolutions qui contrarient le travail de mesure.
Tout d’abord, l’unité de compte est différente : la majorité des consommations en ligne, dans le cas du téléchargement et plus encore du streaming, concerne des titres alors qu’il s’agit d’albums sur le marché physique où les singles avaient pratiquement disparu dès les années 1990. De plus, les différences d’ordre de grandeur entre la quantité de titres disponibles sur les plateformes de streaming et celle offerte sur le marché du disque (ou même sur celui du téléchargement) rendent difficile sinon impossible une réelle confrontation des données sur les différents sous-marchés de la musique enregistrée. Comment en effet comparer la diversité effectivement consommée sur les plateformes de streaming où le nombre de titres proposés se compte en dizaines de millions [6]
L’exercice est d’autant plus difficile que la numérisation de la musique a modifié la nature même de la réalité observée. L’écoute en flux, en effet, ne s’accompagne d’aucun paiement à l’acte, ce qui fait que les données du panel relatives à ce nouveau mode d’accès à la musique relèvent du registre des usages et non des consommations au sens économique du terme. Elles portent sur le nombre de fois où un titre est écouté (un internaute qui écoute n fois un titre est comptabilisé n fois) alors que celles relatives au marché du disque ou du téléchargement portent sur des actes d’achat (une personne qui achète un disque ou télécharge un titre ou un album n’est comptabilisée qu’une seule fois, quelle que soit par la suite l’intensité de son écoute).
Deux autres éléments propres au dispositif du panel viennent compliquer l’analyse diachronique de la diversité musicale effectivement consommée.
Tout d’abord, le téléchargement illicite n’est pas pris en compte alors qu’il a été – on le sait – particulièrement important dans le domaine musical, notamment au début de la période étudiée quand l’offre légale peinait à émerger, et qu’il demeure une réalité pouvant affecter la diversité consommée sur les autres modes d’accès à la musique, qu’il s’agisse de l’achat de disques ou du téléchargement légal.
Par ailleurs, le dispositif de recueil d’informations, initialement conçu pour rendre compte des ventes en magasins, s’est complexifié au fil du développement de l’écoute en ligne et a bénéficié des progrès réalisés en matière de référencement des titres et des albums. Or, tout progrès dans le référencement des produits entraîne mécaniquement, toutes choses égales par ailleurs, une augmentation de la variété des contenus consommés et peut également peser sur les résultats relatifs à la distribution des ventes, dès lors qu’il concerne une part significative du marché. Force est par conséquent de reconnaître l’impact des changements apportés au dispositif de recueil d’informations au cours de la décennie sur la mesure de la diversité consommée, sans qu’il soit hélas possible d’en évaluer précisément l’importance [8]
Compte tenu de ces différents éléments, le choix a été fait de présenter séparément les résultats du marché physique et ceux relatifs au téléchargement, avant de proposer une analyse comparée de la diversité effectivement consommée en 2016 sur les trois principaux marchés de la musique enregistrée : l’achat de disques, le téléchargement de titres et d’albums et l’écoute en flux ou streaming.
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